Est-il viable l’application de la « règle de la raison » et la « règle per se » en Colombie ?

Lors d’un forum organisé par le Département de Droit Economique, des experts ont analysé l’application de ces normes de concurrence dans le domaine juridique colombien.

Dans le cadre de la législation nationale, l’activité économique et l’initiative privée sont libres dans les limites établies par le bien commun ; par conséquent, même si la libre concurrence économique est un droit, il y a aussi d’importantes obligations à respecter.

Dans ce sens, l’Etat se charge de contrôler et de surveiller n’importe quel abus des entreprises dans le marché national, à travers des accords anticoncurrentiels tels que les cartels des prix. Pour réviser ces accords, il existe diverses catégories d’analyse pour établir si une conduite est anticoncurrentielle ou pas.

Justement, le Département de Droit Economique, a organisé un forum pour analyser, d’une manière approfondie, les concepts et l’application de la « règle per se » et la « règle de la raison », ainsi que les éléments qui justifient ou pas leur utilisation dans le système juridique colombien.

La « règle per se » est appliquée à des conduites dont la nature anticoncurrentielle est tellement évidente, qu’il n’y a pas besoin de faire une étude exhaustive pour établir leur illégalité. La « règle de la raison », est appliquée à des conduites dont les effets anticoncurrentiels seulement peuvent être évalués en analysant les faits particuliers de la pratique étudiée, leur nature, le marché, entre autres.

Même si les origines de ces deux catégories sont bien acceptées en Europe et aux Etats-Unis, les conférenciers ont parlé de leur application en Amérique Latine et ont été d’accord sur le fait qu’appliquer ici une pratique comme celle-ci, n’a pas vraiment été efficace, car le contexte de la région n’a pas été pris en compte :

« Le premier obstacle est l’interprétation de ces règles à la lumière du Droit Administratif des sanctions. Dans le cas du Mexique, on a pris en compte les pratiques restrictives, absolues et relatives », a expliqué le juriste Andres Palacio.

Dans le cas colombien, selon l’expert, la « règle de la raison » a été adaptée à la conception des normes et cite des conduites interdites dans la concurrence. Cependant, elles doivent être proposées dans un cadre constitutionnel, pour que l’autorité de la concurrence puisse interpréter la loi d’une manière indépendante :

« Dans le cas latino-américain, au Mexique existe la Commission Fédérale de la Concurrence Economique ; au Chili, le Tribunal de la Défense de la Libre Concurrence ; et en Colombie, la Surintendance de l’Industrie et du Commerce – SIC », a-t-il expliqué.

Cependant, selon Jose Miguel de la Calle, ancien Surintendant de l’Industrie et du Commerce, contrairement aux organismes de contrôle des autres pays de la région, la SIC n’a pas cette même indépendance, car elle fait partie du gouvernement national :

« Nous n’avons pas besoin d’adopter une « règle de la raison » pour que l’autorité de la concurrence prenne en compte les conséquences d’un acte pour déterminer son illégalité. Egalement, le fait d’adopter ces règles a des effets sur ce qui peut être prouvé et, par conséquent, sur l’imposition des sanctions », a signalé M. de la Calle.

Les conférenciers ont été d’accord sur le fait qu’en Colombie il n’y a pas encore une institutionnalité forte et appropriée pour adopter la « règle per se » et la « règle de la raison ». « Pour y appliquer un modèle comme celui-ci, il faut qu’on sépare les fonctions et il nous manque de l’indépendance et de l’autonomie », ont-ils conclu.

A cet événement ont également participé des académiciens et des consultants tels que : Felipe Serrano Pinilla, Alfonso Miranda Londoño, Camilo Ossa Bocanegra et Juan Pablo Herrera Saavedra.

Dans le cadre de cette journée, on a présenté le livre « La institucionalidad en el Derecho del Consumo y metodología para la evaluación y seguimiento de la regulación » (L’institutionnalité dans le Droit de la Consommation et la méthodologie pour l’évaluation et le suivi de la régulation), un apport pour les régulateurs, les contrôleurs, les analystes et les personnes qui s’intéressent à cette importante branche du Droit Economique, au niveau public et privé.